• Le médecin urgentiste m'avait filé deux jours d'arrêt de travail, le temps de me remettre du choc et de porter plainte. J'ai appelé Panda le lendemain pour lui dire que j'avais eu un bobo et que je serais de retour avant, mais il a insisté pour que je prenne bien mes deux jours de repos.
    Je suis resté deux jours à glander chez moi, et je ne suis pas allé au commissariat. A quoi bon? Il aurait fallut que je leur mente, ou que je leur explique que j'avais d'abord insulté la femme du gars qui m'avait tabassé... J'aurais peut-être eu gain de cause, vu les proportions démesurées de sa réaction, mais c'est pas très glorieux tout de même....

    Alors j'ai laissé tomber. C'est sans doute mieux comme ça.
    A Yuriko, effrayée par ma gueule de boxeur, j'ai dit que j'avais été frappé par des types que j'avais surpris en train d'emmerder une nana. Elle a passé le reste de la soirée à me soigner, me prenant pour un héros, alors qu'au fond de moi, je ressentais une honte sourde et tenace en repensant à mon message minable sur le répondeur.

    Deux jours avait passés, et mon arcade sourcillière s'était teintée de bleu-noir-violet-jaune. La palette de la douleur. Je tâchai de ramener mes mèches de cheveux devant mon oeil, mais ça tenait pas, et je n'avais pas de gel... Du coup j'ai opté pour le bonnet. C'est plus de saison que les lunettes noires.

    Une fois au taff, je n'avais plus qu'à esquiver les réflexions de mes collègues... Pas facile, je les sentais marmonner dans mon dos...
    Et puis au moment de ma pause-clope, ils ont tous rappliqués :
    -Ecoute, commença Jay, on sait ce qui s'est passé, ya un gars qui sortait du cyber, et qui t'a vu te faire tabasser...
    Et merde. Mon "témoin de toute l'agression" est un usager du cyber-café. Bonjour la discrétion.
    Puis c'est le tour de Panda
    - Silvère, s'il s'agit d'une agression par un joueur, il faut nous le dire, on ne peut pas tolérer ce genre de comportement excessif. Qui sait ce qui pourrait arriver la prochaine fois?...
    - C'était pas un joueur...
    - Comment tu peux en être si sûr?
    rajoute Rocco derrière ses triples foyers
    .
    - Parce que... Raah, c'était pas un joueur, je sais pas moi, de nos jours, est-ce que les gens ont besoin d'une raison pour cogner sur le premier venu?


    Ils me regardent, pas convaincus. Okay, je passe à l'offensive alors.


     -Moi qui pensait que vous auriez un p'tit mot sympa à me dire, et en fait, vous vous inquiétez juste pour votre gueule, merci les gars!

    Je prend mon plus bel air indigné, les toise de mon seul oeil valide. Rocco et Jay battent en retraite. Panda reste là, à me scruter silencieusement. Puis,quand les autres ont disparus dans leurs box
    , il dit:

    - Si tu veux en parler, je suis là, n'hésite pas Silvère. C'est traumatisant, de se faire frapper, comme ça, gratuitement. Il ne faut pas garder ton mal à l'intérieur. C'est pas bon.

    Je jette rageusement mon mégot par la fenêtre, et au moment où je m'éloigne, il ajoute:

    -Au fait, il va falloir que tu sortes pour fumer... La loi anti-fumeurs entre en vigueur à partir d'aujourd'hui dans les locaux...
    -QUOI??
    -Tu n'as pas vu les panneaux en arrivant?
    -Nan.... Il me manque un oeil, je sais pas si tu as remarqué...


    Putain de bonnet...


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  • Depuis que je suis avec Yuriko, j'ai décidé de faire un peu de ménage.
    Je suis du genre à accumuler des vieux papiers jusqu'à remplir des cartons entiers, sinon mon appartement se change en océan de papier... Il est temps d'y remédier.
    Alors j'ai tout sorti des placards, et j'ai commencé à trier.

    J'ai retrouvé des relevés de comptes, des factures, même une vieille fiche de paie... Pour le reste, des magazines de jeu de rôles (ça se revend, des vieux Casus Belli?)... Des menus de pizzerias à domicile, des tickets de caisse, tout un foutoir de papiers sans intérêt... Allez hop, à la poubelle tout ça. Ah, non, attend...

    Non, ça, je jette pas. Il ira rejoindre les autres crobards dans mes archives secrètes.

    De temps en temps aussi, je tombe sur un post-it que Lise me laissait 
    sur le frigo, quand elle partait bosser tôt le matin et que j'étais au chômage. Je les relis une dernière fois et je les jette, ça me fait plus rien à présent! Au détour d'une page de carnet arrachée, je tombe sur des horaires de train qu'elle avait noté en cherchant sur internet. Les dates me rappellent quelque chose... Ah oui, c'est quand elle est partie sur la côte fêter son anniversaire avec une copine... On venait de s'engueuler, et elle avait besoin de prendre le large...
    Sauf que la destination...
    C'est pas la même qu'elle m'a dit à l'époque.

    C'est le bled où elle habite désormais.
    Pendant quelques secondes, les pièces du puzzle se mettent en ordre, c'est énorme, pourquoi j'ai pas percuté plus vite!?
    Elle était pas avec "une copine". Elle était avec ce mec. Celui pour lequel elle m'a quitté trois jours après être rentrée de ce fameux week end.

    C'est comme si du poison se mettait à couler soudain dans mes veines. Une immense poussée de haine. Le peu d'estime qu'il me restait pour elle vole en éclats.
    Quand j'y pense, sa petite lettre assassine, dans laquelle elle m'écrivait : "je ne t'ai jamais trompé"... Bah voyons... Quelle.... Nom de...

    Je peux pas laisser passer ça. Faut que je fasse un truc, tout de suite, ça brûle à l'intérieur de moi, ça bourdonne dans mes oreilles, j'entend hurler au fond de moi "Mister Self Destruct", de Nine Inch Nails.. "I am the truth that makes you wild".... Ouais... Putain, faut que je démolisse quelque chose.
    Je vais dans mon salon, j'empoigne le téléphone, mes mains tremblent en composant ce numéro que je n'ai pas fait depuis plus d'un an à présent... Du calme... J'entend la sonnerie, je reprend mon souffle, mon coeur cogne et rebondit dans tous les sens à travers ma cage thoracique.
    Répondeur. Un reste de conscience presque muet me dit que ça vaut mieux comme ça... Mais il faut que je laisse quelques chose.
    Et je raccroche.
    Mes mains tremblent encore. Je renifle violemment, et je retourne m'assoir par terre dans la chambre, au milieu des cartons; le tri devient mécanique, je regarde à peine ce que je jette, et quand je retombe sur une vieille carte signée de Lise, j'en fait des confettis. En bas de mon immeuble, six cartons attendent dans la nuit froide le passage des éboueurs.

    J'ai passé une très mauvaise nuit, à ressasser ma découverte, mon impuissance face aux événements passés, ma vengeance me laisse un goût amer...
    La journée suivante se passe sans grand intérêt pour mon travail. Je fais acte de présence, et de temps en temps, un texto de Yuriko me sort de ma torpeur.
    Vers 19h, je sors enfin du cyber-café, en direction de la station de bus. J'ai à peine fait cinq mètres, qu'un violent choc à la tête m'envoie valser sur le trottoir, les quatre fers en l'air. D'un œil, il me semble apercevoir une ombre qui fond sur moi, et BLAM !! Un second coup de poing me défonce la mâchoire. Comme je tends les bras pour me défendre, un troisième coup de poing s'enfonce dans mes abdos et me coupe le souffle. Je suis choqué, engourdi, et je ne peux lutter contre ces deux mains d'acier qui m'agrippent le col et me soulèvent le cul du sol... J'entend une voix, à défaut de voir quoique ce soit. Une voix ferme, calme, que j'ai entendu une seule fois auparavant.








    -Je t'interdis d'insulter ma femme. Je t'interdis de téléphoner encore chez nous. Lise tu l'oublies, pour de bon!







    Les mains se desserrent, et je retombe allongé sur le trottoir, tentant de reprendre mon souffle. J'ai du liquide qui coule sur mon visage, que je sens à peine, mais qui devient très douloureux. J'entend autour de moi des gens qui murmurent, une dame s'agenouille à mon côté, elle me demande si ça va, et colle son mouchoir sur mon arcade sourcillière explosée. Un mec s'approche à son tour et me dis:


    -Ça va aller monsieur?? J'ai vu toute l'agression! Vous voulez que je vous accompagne au commissariat pour déposer plainte, pour témoigner??
    -Nan, c'est rien,
    dis-je dans un souffle.
    Le temps de retrouver pleinement mes esprits, une ambulance débarque, et on me force quasiment à monter dedans. Le témoin de "toute l'agression" me glisse sa carte dans la poche.

    Quatre points de suture plus tard, je peux enfin sortir des urgences. Il est 20h40, et un texto pressant de Yuriko me rappelle qu'elle m'attend ce soir chez elle... Faut absolument que je trouve une histoire glorieuse à lui raconter, un truc pour me faire plaindre et camoufler la branlée que je viens de prendre.


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  • Bon , officiellement on est le 24 février, et la St Valentin est passée. Mais comme je suis en plein bouillon créatif ces derniers jours, je poste pour ratrapper mon retard.
    Yuriko change de tête. J'ai décidé de la dessiner façon manga. Elle sera la seule dans ce style, histoire de souligner sa différence, et puis je la trouve plus expressive comme ça. Et pis pour ceux qui sont pas d'accord, je leur dis crotte, c'est moi l'auteur, c'est moi que je décide.

    Un peu de culture générale : au Japon, la Saint Valentin est le jour où "les femmes (japonaises) peuvent déclarer ouvertement leur amour". Et elle offrent des chocolats. Tout d'abord à l'élu de leur coeur, puis à leurs amis, collègues de travail, pour ne pas blesser leur sensibilité  orgueil. Lesquels devront faire à leur tour un petit cadeau à la dame. L'élu de son coeur, lui, a le 14 mars pour répondre à la demoiselle par un cadeau et lui témoigner son amour.

    A ce que j'ai cru comprendre, c'est du Japon que vient la tradition d'offrir des chosolats à cette date. Curieux, alors que la Saint Valentin, c'est une tradition chrétienne (en fin les puristes me diront que c'est païen à la base, mais j'emmerde les puristes.)
    En fait, la tradition des chocolats viendrait d'un confiseur de là bas, qui aurait inventé le slogan sus-cité. Et comme d'hab, d'une belle histoire romantique, les industriels font un commerce juteux. Et c'est pas prêt de changer...


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