• On ne se croise plus que le soir, lorsqu'il prend ses somnifères et que je dois réintégrer ma place dans son subconscient.
    Mais il ne me parle pas.





    Le reste du temps, il se réfugie dans cet instantané de vie foetale, dernier rempart contre le désespoir qui l'engloutit.

    Pendant que j'avale antidouleurs et anti-inflammatoires, et que le désespoir m'accable moi aussi.

    Je ne suis qu'un fantôme.

     Je vais mourir sans que personne ne s'émeuve de ma disparition, parce que personne ne sait même que j'existe, ou ne veut croire à mon existence.

    La seule qui soit reconnue, c'est mon @utre.
    Depuis le smartphone de Silvère, j'ai envoyé des dizaines de mails, comme des bouteilles jetées dans cet océan numérique... Elle n'a jamais répondu.

    De toute ma pseudo-existence, jamais je ne me suis sentie aussi seule.









    Dans un dernier élan, j'ai tenté de glaner des informations sur des forums de joueurs d'Ysckemia. Dans un sujet dédié à @ïna, j'ai découvert des screenshots récents, qui m'ont glacée d'effroi...



    Je ne comprend pas ce qui se passe, mais ce dont je suis sûre, c'est qu'elle souffre.



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  • bon, qu'est-ce qu'on fait? on s'arrête sur un chiffre rond? ou bien on continue? he


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  • Tandis que je bascule en arrière, mon nez explose dans un son mat. Sur le coup, je ne sens plus rien au milieu du visage. Un fracas dans mon dos  me signale que j'ai atterris sur le macadam. Marvin atterrit sur moi, m'écrasant quelques côtes, et reprend son pillonage. Je frappe moi aussi, au hazard, je suis sûr que j'arrive à le toucher plusieurs fois, mais ça n'a pas l'air de l'affecter. Je l'agrippe par le col et déchire son ridicule t-shirt à licorne. Je crois que je parviens même à lui arracher quelques poignées de cheveux.

    Je ressens une espèce de joie sauvage. Nous voici revenus vingt ans en arrière, le jour de la rentrée au collège.
    Première rencontre, première bagarre... 
    On n'aurait jamais du être amis.

    Ça l'avait vexé, que je le traître de "sale tapette". Il devait déjà savoir, à l'époque, qu'il était différent.
    Ya que la vérité qui blesse.

    Vas-y Marv', cogne.
    Je t'emmerde, toi et ta famille parfaite. Ton bonheur parfait. Ta petite vie parfaite.
    Cogne, tue-moi si t'en es capable. Je voudrais que tu crèves, vu comme c'est parti, c'est plutôt moi qui vais crever mais c'est tant mieux, je verrai bientôt plus ta sale gueule de traître.

    Une foule de passants s'amasse autour de nous. Deux-trois personnes sortent leur portable et se mettent à nous filmer. Parmi les spectateurs j'aperçois Aïna, qui me toise d'un air tristement réprobateur, et aussi Mister Self-Destruct qui applaudit en riant, un grand rictus sur sa/ma face.

    -STOP ! Arrête Marv'! Arrête!!
    Jen et Amour viennent d'arriver. Mo reste pétrifié d'horreur, tandis que Jen tente de faire une clé de bras à Marvin. Déséquilibrés, les deux me tombent dessus de tout leur poids. J'ai le souffle coupé, je ne peux plus bouger. L'adrénaline qui me portait jusque là s'épuise brutalement et la douleur envahit mon corps.

    Marvin roule sur le côté, Jen se relève. Elle se précipite vers moi, soulève ma tête doucement, la pose sur ses genoux, et hurle en direction de mon ex-meilleur ami :
    -Mais putain qu'est-ce qui t'a pris?? Tu aurais pu le tuer!!!
    -C'est peut-être bien ça qu'il espérait, grogne Marvin en se relevant.
    Puis se tournant vers Amour, "T'as pas un mouchoir?"
    Mo sort de sa sidération et extrait, les mains tremblantes, un paquet de mouchoirs en papier de sa poche arrière de jean's.
    Je remarque un liquide sombre qui suinte du nez de Marvin. J'ai réussi à le toucher, finalement.
    -Tu frappes comme une gonzesse, dis-je dans une dernière bravade.

    -TA GUEULE tête de nœud! beugle Marvin. Tu veux savoir pourquoi je t'ai caché mes préférences? J'vais t'le dire : C'est parce que j'étais amoureux de toi. J'étais mordu à en oublier tout le reste, du moment que j'étais avec toi. J't'ai embrassé, le soir où on a fêté ta sortie de l'hôpital. Quand tu m'as repoussé, j'ai eu les boules de ma vie, mais je l'ai accepté. J'ai remercié le ciel que t'aies tout oublié, parce que je voulais au moins qu'on reste ami... Je t'aimais encore quand t'as emménagé avec Lise et j'ai mis du temps à m'en remettre, mais finalement ça aussi je l'ai accepté. Quand je repense à toutes ces années où j'ai menti pour tes beaux yeux... J'aurais du prendre la tangente depuis longtemps, mais t'inquiète, t'es pas près de me revoir.

    Je me sens humilié comme jamais. Je rassemble mes dernières forces pour lui crier tout mon dégoût.
    -T'es le pire meilleur ami qui ait jamais existé!!!

    Dans ses yeux se rallument une lueur de meurtre. Ses poings maculés de sang se resserrent.
    -Ah ouais? Tu t'es bien regardé? Passe encore que ta copine vienne pleurer chez moi dès qu'elle sait plus gérer tes cacas nerveux, et que tes problèmes de santé te rendent aigri et infect... Mais Silvère... Venir me trouver exprès pour insulter mon gosse, sa mère, et la personne que j'aime... TU TROUVES PAS ÇA UN TOUT P'TIT PEU DÉPLACÉ??!

    -Bon maintenant ça suffit,
    interrompt le patron du café, barrez-vous ou j'appelle les flics!!
    Mo s'élance entre lui et Marvin, en brandissant un petit carré de carton blanc.
    -C'est bon, on s'en va... Prenez ma carte, je paierai les dégâts...
    Marvin renifle nerveusement, les yeux toujours rivés sur moi.
    -Va porter plainte, va, te gêne surtout pas, lâche-t-il d'une voix rauque. T'as toujours été mauvais en bagarre, par contre pour jouer les victimes, t'es sacrément doué.

    Avant de quitter la scène, il me jette un billet de cent euros froissé.
    Le patron du café sonne la fin de la représentation, circulez, ya plus rien à voir. Les badauds s'éloignent, qui en gloussant, qui en murmurant, tout en repassant sur son portable les photos de mon visage tuméfié.


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