• (251) Girls just wanna have fun

    La rue est bruyante et pourtant c'est comme si je n'entendais rien autour de moi.
    Je déambule, déconnectée de tout, depuis que Marvin m'a (gentiment) flanquée à la porte.
    Si je m'attendais à ça...
    Là je peux vraiment rien pour lui.
    Bon sang, ça fait combien de temps qu'il en pince pour moi?? Est-ce que dans mon attitude, je me suis montrée ambigüe au point qu'il s'imagine qu'il avait le moindre espoir de....?

    "Si je t'avais pas parlé de Silvère, peut-être que toi et moi ça aurait pu marcher."

    Peut-être. Ça aurait peut-être marché. Quelques jours, quelques semaines, quelques mois, qui sais... Mais Marvin, tu aimes indifféremment hommes et femmes, et moi je ne partage pas la personne que j'aime. Et quand bien même tu serais prêt à ne te consacrer qu'à moi, le sacrifice ne te rendrait-il pas malheureux, à la longue?
    De toutes façons c'est pas toi que j'aime, un point c'est tout. Il n'y aura jamais de "toi et moi".

    Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir eu quatre frères, mais j'ai toujours vécu mes relations avec les hommes comme un jeu.
    C'est par jeu que je suis sortie, pendant deux mois, avec un sportif narcissique fan de formule 1.
    C'est par jeu que j'ai accepté les avances d'un dragueur marrant en boîte de nuit.
    C'est par jeu que j'ai décidé de séduire un geek renfrogné.
    Mais celui-là m'a donné du fil à retordre. Il résistait tellement que j'ai du déployer plus d'efforts que prévus, et je m'y suis attachée. Il n'y avait (apparemment) aucune concurrence. Et la seule personne qui avait un amour profond et indéfectible pour Silvère, était empêché de lui témoigner.

    Je venais de me débarrasser de mon nageur relou et j'avais passé une nuit agréable, avec quelqu'un qui n'attendait aucun engagement affectif de ma part. Je ramassai mes sous-vêtements au pied du lit. Tandis que je remettais mon soutient-gorge, et que Marvin me proposait de prendre un café avant de partir, j'ai remarqué un cadre, un seul, posé sur une commode en face du lit. Dans le cadre, une photo où mon hôte prenait la pose, en compagnie d'un type qui souriait comme s'il avait capitulé à force de blagues nulles.
    Lorsque j'ai demandé à Marvin qui c'était, je ne m'attendais pas à provoquer un déluge d'explications. Il en parlait comme de quelqu'un dont il aurait été très longtemps amoureux... Tout en niant avoir eu ce genre de sentiment pour son "meilleur ami".

    Un geek, pince-sans-rire et torturé, j'avais jamais essayé! Le challenge me paraissait intéressant. Mais quand j'ai demandé à Marvin de faire les présentations, il a refusé tout net, prétextant une promesse de jeunesse... J'ai pensé qu'il voulait protéger Silvère. Après la façon dont on s'était rencontré, il redoutait sans doute que je fasse souffrir son amour impossible. Se pourrait-il que déjà à ce moment-là, il ait eu des vues sur moi, ou bien est-ce venu plus tard? Et moi qui n'arrêtait pas de lui demander de l'aide, avec Silvère... Maintenant je comprends pourquoi ça l'irritait de plus en plus. À chaque fois, je remuais le couteau dans la plaie.


    Sur ces vaines réflexions, j'arrive devant mon immeuble.
    Dans le hall d'entrée, assis dans la cage d'escalier, Silvère se lève. Il a fait vite, Marvin avait raison.
    Il me regarde avec un parfait air de chien battu en tripotant les bord de ses manches.
    Est-ce que j'irais en prison s'il meurt d'une rupture d'anévrisme provoquée par un coup de poing?

    -Tiens, t'es pas encore mort?
    Il baisse la tête et encaisse la vacherie. C'est de bonne guerre, après tout.
    -Jen, j'te demande pardon. J'suis tellement con...
    -Je confirme, ouais, t'es le roi des cons, dis-je sèchement, et je passe devant lui pour regagner mon appart'.

    Comme il se contente de soupirer bruyamment, je me retourne et j'enchaîne.
    -Tu peux pas continuer à me faire souffrir comme ça. J'y suis pour rien moi dans cette histoire. Je voulais te soutenir, et tu m'envoies chier, et en plus en ressortant un vieux dossier! Je me doute que t'es dégoûté, que t'es désemparé, mais t'en prendre à moi alors que...
    Je m'aperçois que je tourne en boucle. Écoute, j'ai plus envie de jouer.
    Je m'engage dans l'escalier. Il m'attrape le bras.
    -J'ai peur Jen. Mais pas seulement depuis le rencard à l'hôpital. Ça a commencé quand Aïna a débarqué sur Ysckemia. Entre le harcèlement, mes hallucinations, et maintenant ce truc dans mon cerveau, je sais plus où donner de la tête. J'ai tellement peur que parfois je me dis que ce serait aussi bien que j'arrête de vivre, d'un seul coup, comme on débranche une prise. Enfin ce serait plus acceptable que de finir en légume lobotomisé. J'en peux plus de me sentir menacé.
    -Et moi, m'écrié-je, où je suis dans tout ça, hein? Tu y penses à ce que je ressens? À ton avis, ça me fait quoi de savoir que ta vie est menacée, et que même tu préfèrerais en finir?? Et si je te quitte, tu vas m'faire du chantage au suicide, comme avec ton ex?

    Il me regarde avec un air de totale incompréhension. Fini le chien battu.
    -J'ai jamais tenté de me suicider, qu'est-ce que tu racontes?

    Ah oui c'est vrai, il était pas sensé le savoir. Oh et puis merde.
    -Quand Lise t'as plaqué, le jour où elle a vidé l'appart. T'as voulu t'ouvrir les veines dans ton bain. T'étais bourré, alors tu t'en souviens pas.
    -Qui t'as dit ça?
    -La personne qui t'as empêché d'en finir. Et qui t'a veillé toute la nuit pour pas que tu recommences. Et qui a préféré se taire pour pas te remettre l'idée en tête. La même personne qui a déposé chez toi l'album de dessins d'André.

    Il digère lentement l'information.
    -Ce serait pour ça que... Qu'ile revenait sans arrêt prendre des nouvelles... Ile craignait que je récidive?...
    Il titube et s'assoit sur une marche.
    -Je croyais qu'ile s'était amouraché de moi ou un truc du genre. Mais attend, comment il a su, pour l'autre patient de Saint Thomas?
    -Le hasard des rencontres, faut croire. Tu devrais en discuter directement avec lui.

    Il passe ses mains sur son visage, il a l'air crevé. Désabusé, il lève les yeux vers moi et demande :
    -Ya encore des trucs que j'ignore?
    Ton meilleur ami est bi, et il est amoureux de moi. Et peut-être aussi encore de toi. Tu devrais en discuter directement avec lui.
    Ça me démange de balancer mais Marvin me tuerait probablement.
    -C'est tout.

    Il reste silencieux un moment. Une partie de moi a envie de le planter là, de gravir les escaliers en vitesse, de rentrer chez moi et refermer la porte à double tour. Mais j'y arrive pas.
    Silvère articule enfin, d'une voix rauque :
    -Je t'aime, tu sais. J'ai jamais aimé une fille aussi fort. Si tu ne me supportes plus je comprendrai. Et concernant Marvin, ce que j'ai dit c'était moche, mais dans un sens, je pourrais comprendre, enfin si je meurs, que tu veuilles de lui pour te consoler..

    Ah non, il va pas remettre ça!
    -Alors ça, t'en fait pas, ya pas de risque que ça arrive!
    -Après l'histoire du chantage, poursuit-il, il m'a dit qu'il avait un peu craqué pour toi... Et puis comme il était le premier...
    Tiens donc. Marvin avait craché le morceau! Sa loyauté me sidère. Bon bah comme ça c'est fait. Et cette andouille qui veut me refiler à son pote comme un héritage... Misère...
    -Arrête, tu t'enfonces...
    Je m'assois à côté de lui et je prends son visage entre mes mains.
    -Silvère, c'est ta dernière chance. La dernière. Ne la gâche pas. Je reste pas par pitié, seulement par amour. Mais n'abuse pas de ma patience.

    Tandis qu'il tend les bras vers moi son portable sonne, il décroche. Je devine qu'il s'agit du neurochirurgien. Silvère enchaîne les "oui", les "non" les "mh" et puis soudain, son visage fatigué se creuse davantage et devient pâle. Il raccroche, et se met à rire en silence. Je m'attend à ce qu'il me dise qu'il n'a plus qu'un mois à vivre.

    -L'infirmier, dit-il finalement, celui qui bossait dans le service où j'étais. Il s'est... Souvenu d'Aïna.
    -Il l'a vue?? Alors elle existe vraiment?!
    -Elle était bien à l'hôpital. Elle "travaillait" là-bas, si on peut dire.
    -Mais encore???

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  • Commentaires

    1
    Leetchee
    Samedi 28 Septembre 2013 à 11:42

    Je... je veux la suite. Je souhaite... s'il te plaît ?

    On se met tellement (ou alors c'est que moi ?) dans les émotions des personnages, les deux, en même temps...

    Je l'a jamais dit ici, mais j'adore.

    2
    Samedi 28 Septembre 2013 à 13:19

    juste : MERCI. :]
    la suite est déjà prête, je la posterai dans quelques jours, patience! ^^

    3
    Samedi 28 Septembre 2013 à 22:11

    Je sens que je me répète, à dire "rhaaaah la suite bordigaille !", alors j'me tais.

    L'émotion... oui, Leetchee a raison : l'émotion, c'est ce qui ressort de nombre de tes textes, Riff. Et c'est tellement beau :3 (et donc, yaurait peut-être quelque chose entre Marvin et Silvère ? hiiii *midinette*)

    4
    Dimanche 29 Septembre 2013 à 00:38

    mdrrrrr va falloir que je fasse une bd yaoi un de ces jours!  XD
    oui, ya bien un truc ENTRE Silvère et Marv' : une fille! ^^

    5
    Dimanche 29 Septembre 2013 à 10:10

    Avec un peu de recul, il y a cependant un truc qui me gêne un peu dans la définition par Jen de la bisexualité de Marv'. Un·e bi·e peut très bien aimer une seule personne à la fois - ils·elles ne sont pas tous·toutes volages ou polyamoureux·ses :) Aimer les deux sexes indifféremment, pour les galipettes, n'empêche pas du tout le fait d'*aimer* une personne, au delà de son sexe. Je ne pense pas qu'un·e bi·e dans une relation à long terme soit frustré·e.
    Ensuite, Marvin, de ce qu'on en a vu, *est* volage, mais il serait bien capable d'une relation "sérieuse", nan ?
    (voilà, petite réflexion qui mûrit depuis hier soir, je veux pas que tu changes ton texte, c'est pas mon but du tout, j'avais juste besoin d'exprimer ce que je voyais du texte) 

    6
    Dimanche 29 Septembre 2013 à 10:46

    Petit rappel : C'est Jen qui parle, pas moi. :)
    Pendant une période, "à cause" du mariage pour tous, je suis allé régulièrement lire les commentaires sur les articles de TETU(E), pour comprendre ce que pensait les homos/bi/transgenres. hé ben tu n'imagines pas à quel point ils sont comme les hétéros! XD
    en ce sens que les homos ont des préjugés sur les bis, les bis sur les transgenres, et ça marche dans tous les sens. Ils forment une communauté pas si homogène que ça, vu de l'intérieur. Ils peuvent avoir des idées très arrêtées sur certains sujets, tout comme les hétéros. On a tous des petits préjugés les uns sur les autres, si empathique qu'on soit envers son prochain, est-ce que ça fait de nous des mauvaises personnes pour autant?

    Donc voilà, ok ma rouquine a peut-être quelques préjugés sur les bi(es) mais je te propose de voir la réaction de Jénif davantage comme une simple réaction de gène vis à vis d'une situation à laquelle elle ne s'attendait pas, à savoir un amour non préciproque. (c'est aussi pour ça que j'ai conclu le paragraphe avec "et puis c'est pas toi que j'aime, un point c'est tout", c'est pas de bol, mais c'est comme ça...
    Il y a des choses que je ne suis pas parvenu à intégrer dans le texte, mais je crois qu'à un certain stade ce n'est plus à elle de dire les choses, ce serait à Marvin de prendre la parole sur ce qu'il pense et ressent*.  et ça tombe bien, je compte faire un ptit chapitre là-dessus! (et puis bon, il est tout malheureux, je peux décemment pas le laisser se morfondre comme ça!^^)

    (*pour rappel, dans plusieurs chapitres déjà anciens il dit qu'il veut changer de vie et se caser, mais visiblement ça coince quelque part)

    7
    Dimanche 29 Septembre 2013 à 11:03

    Je suis tout à fait d'accord avec ça, et je sais bien que c'est Jénif qui parle :) ce qui ne m'empêche pas de grincer des dents devant ses préjugés (à elle) (mais en tant que lecteur c'est parfois difficile de distinguer les pensées du personnage et celles de l'auteur - sauf quand c'est très net, genre "telle catégorie de personnes n'a pas le droit de vivre" dans la bouche d'un personnage, on sait que l'auteur ne le dit pas lui-même) J'ai réagi un peu vite, probablement parce que je craignais que des lecteurs prennent ces paroles pour comptant, sans faire la différence entre Jénif et toi (la preuve, pendant un instant je ne l'ai pas faite).

    Je crois que je me suis un peu emballée, veuille me pardonner.

    (et youpiiii pour le chapitre en plus, faut pas laisser Marvin malheureux)

    8
    Dimanche 29 Septembre 2013 à 11:12

    ya aucun souci! du reste j'ai un peu bataillé quant à ce que j'allais faire dire à Jen, mais au bout d'un moment faut bien trancher... et puis je voulais équilibrer le texte : ça n'aurait pas été logique d'épiloguer sur Marvin pendant les trois quarts du chapitre. Il y avait une transition un peu casse-gueule à faire, alors j'ai synthétisé au max et j'ai laissé quelques idées pour plus tard.

    j'a pas souvent l'occasion de parler du processus de création, ta réflexion m'a permis de le faire :D

    9
    HC
    Lundi 30 Septembre 2013 à 10:00
    HC
    mais bizarrement on sent que tout s'enchaîne bien, et s'intègre bien avec les chapitres précédents. On voit qu'il y a une logique et que rien ne vient au hasard. L'histoire est bien pensée, et on meurt d'envie de connaître la fin (mais pas trop vite parce que sinon ça voudrait dire que c'est fini ;)
    10
    Lundi 30 Septembre 2013 à 11:32

    rooooh allez quoi, ça fait sept ans que je suis dessus.. va bien falloir que ça se termine!^^
    après j'entamerai autre chose...

    11
    Lundi 30 Septembre 2013 à 19:44

    Damned, ça faisait un moment que je n'étais pas passée sur ton blog et je me rends compte que ton histoire a pris une forme bien plus aboutie (et a même quelques similitudes avec celle que j'écris...) Yeah, il faut que j'aille relire tout ça !

    12
    Lundi 30 Septembre 2013 à 21:33

    mais genre elle va m'accuser de plagiat! ^^
    et oui, depuis le temps que je suis dessus ça a évolué.. pour te dire, là je rafistole des vieux chapitres (yen a qui était vraiment laids, purée!), et bienque je m'étais promis de ne pas le faire, j'ai changé le texte à quelques endroits.. enfin ça ne change rien au sens mais ya des formulations maladroite qui ne me plaisent plus, etc...

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    13
    Mardi 1er Octobre 2013 à 12:28

    Bah, réintervenir sur les textes, même si on préfère garde l'authenticité et tout, ça arrive. A force d'écrire on se perfectionne et quand on revient à nos vieux textes, ben... :D

    'fin bref, même si c'était déjà ce que tu comptais faire, continue !

    14
    Vendredi 15 Novembre 2013 à 20:41
    le voilà le fameux secret de Marvin... j'ose pas imaginer la réaction Silvère de s'il l'apprend un jour !! o_O

    le suspens concernant Aïna et tout ce qui l'entoure devient vraiment intenable... :)
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