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  • L'hiver me donne, comme aux ours, des envies d'hibernation. Après les fêtes je reprends les chapitres. (yen a un en travaux présentement, mais j'ai du mal à m'y mettre sérieusement).

    En attendant, un petit dessin de Kodiak, lui aussi aura une petite compagne aux cheveux mauves (faut croire que c'est une obsession chez moi). J'ai les idées de plus en plus clair à son sujet. Mon environnement est une source constante d'inspiration.

    Passez de bonnes fêtes de fin d'année.


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  • La tête me tourne. "Bière triple fermentation, mon pote!" Comment peuvent-ils aimer ça? Et Marvin, quel moulin à paroles... Si bien que je ne sais plus ce qui m'a saoulé le plus.

    On frappe à la porte. Marvin a du oublier quelque chose.
    J'ouvre. Devant moi, une femme très mince, longs cheveux noirs, long visage.
    Sur le coup, je ne la reconnais pas.

    -Je pensais pas que tu m'ouvrirais aussi facilement, dit-ile.

    CLAC!!

    J'ai reconnu sa voix, j'ai sursauté, et dans mon sursaut, j'ai violemment refermé. J'aurais du regarder par le judas avant d'ouvrir! Je reste arque-boutée contre la porte, pour l'empêcher d'entrer; c'est ridicule, il n'y a pas de poignée à l'extérieur.
    Amour de l'autre côté, grogne un peu.

    -Je m'attendais plus à un accueil dans ce genre-là, effectivement! Ok, t'as pas envie de me voir, mais tu vas quand-même m'écouter! Dussé-je déballer mes arguments dans le couloir!
    -Comment tu as su que je serais là?!

    -Rhanji me l'a assuré.


    Ça a probablement un rapport avec ce curieux coup de fil de Rhanji, tout à l'heure, quand Marvin était là.
    "Ça va, tout va bien? Tu es chez toi? Oh pour rien, c'est juste que tu as une petite mine ces jours-ci..."

    Je me sens prise au piège.

    -Va-t'en, on n'a rien à se dire!

    -Toi peut-être, rétorque-t-ile, mais moi j'ai fait des recherches, et je ne partirai pas avant de t'avoir montré mes découvertes!


    Silence, pendant quelques minutes. Je vois une feuille de papier glisser entre mes pieds, par dessous la porte.

    -Regarde ça, je t'en prie. C'est important.

    Je ramasse le papier. Le déplie. Je retiens mon souffle.

    -Je sais qu'Aïna est devenue très populaire chez les geeks, mais regarde la date! Ce dessin est bien plus vieux que la création d'Ysckemia.

    Le papier est  jauni. En bas à droite du dessin représentant mon visage, une signature maladroite, et une date : 1993.

    -Où l'as-tu trouvé?
    -On me l'a donné. En fait, il y en a tout un album. L'auteur est un gars nommé André Lombardi. Ce nom te dit quelque chose?
    -Pas du tout. (et c'est vrai. Sauf depuis que Rhanji a évoqué ce nom à Silvère.)
    -Il l'a dessinée pendant près de vingt ans. Est-ce qu'on peut en discuter face à face, s'il te plaît?


    La curiosité me démange. Et me pétrifie. Pendant des années, je pensais n'exister que pour une seule personne, et voilà qu'une lettre, puis un dessin.... Je me sens comme au bord d'un précipice, sur le point de sauter, sans retour possible en arrière.


    J'ouvre à nouveau, Amour entre sans un mot, et s'assoit sur le canapé. Ile retire sa perruque, dans un soupir de soulagement, ébouriffe ses cheveux de paille. Puis, de sous son poncho, ile extrait d'un sac un gros album, qu'ile me tend.


    Des portraits de moi. Par dizaines, par centaines. Par milliers. Petits, grands, en grappes sur une feuille ou bien un seul visage remplissant tout l'espace. En peinture, au stylo bic, au crayon gris, au fusain....

    C'est bien "moi", enfin, je sens que ça a vraiment un rapport avec moi. Mais tous ces dessins racontent, sans un mot, une histoire très différente de celle que j'ai "vécu".


    -Qui est cet homme?

    -Je l'ai rencontré dans un hôpital psychiatrique, grâce à un copain. André était interné depuis l'âge de 27 ans. Et depuis son internement, sa seule obsession, c'était de dessiner ce visage.
    -Comment peux-tu être sûr que ça a un rapport avec moi-enfin je veux dire, avec Aïna?

    Amour se frotte le cou, comme par réflexe.
    -Parce que la seule fois où j'ai pu le rencontrer et que j'ai prononcé ce nom, il a pété les plombs, il m'a sauté dessus en hurlant, en me suppliant de "la faire sortir". De son esprit, je suppose. Il a du penser que parce que je connaissais ce nom, je savais comment l'en débarrasser. J'espère pour lui que c'est le cas maintenant.
    -Pourquoi?
    -Parce qu'il est décédé. Rupture d'anévrisme. Une mort foudroyante, personne n'y pouvait rien.


    Amour me raconte l'histoire d'André, jeune homme plein d'avenir, victime d'un accident de moto, qui se retrouve plongé dans un coma si profond que les médecins conseillent à ses parents de le débrancher. Mais ceux-ci ne peuvent se résoudre à laisser partir leur fils... Deux mois plus tard,  André est toujours inconscient.

    C'est alors qu'un neurochirurgien étranger leur propose un traitement de la dernière chance... Qu'ils acceptent. Tout comme ils acceptent de signer un contrat de confidentialité, stipulant qu'en raison de l'état précaire d'André et de la nature expérimentale du traitement, le médecin ne pourra être tenu responsable si le patient décède.

    Et, miracle de la technologie, André se réveille, il est tiré d'affaire. Du moins en apparence. Il a retrouvé ses facultés motrices, mais a perdu la mémoire. Son âge mental est désormais celui d'un enfant de six ans. Les examens de contrôles ne montrent rien d'anormal, si ce n'est que le cerveau est resté endommagé par l'accident initial.
    Pour les parents le coup est terrible. Ils espèrent qu'à force de rééducation, André retrouvera ses facultés intellectuelles. Mais les mois passent et rien ne change. Le père décide alors de retourner voir le spécialiste pour lui demander conseil. Au C.H.U. StThomas, on lui annonce que l'homme a été renvoyé pour faute grave, et qu'il a fuit la France pour éviter les poursuites. Il opérait sans autorisation, et un patient a succombé durant sa dernière expérience. La direction reçoit les parents d'André et leur propose un arrangement à l'amiable, pour éviter que l'affaire ne s'ébruite et ne porte préjudice à la réputation de l'hôpital. La moitié des frais d'internements d'André dans un bon établissement seront donc pris en charge par l'hôpital durant toute sa vie.


    -L'hôpital a continué de payer, pendant vingt ans, dit Amour. C'est dingue, hein? Plutôt une bonne affaire pour eux, qu'André soit enfin mort.


    Je reste sans voix, étourdie par ces mots , par la bière de marvin...


    -Je sais que tu te souviens à peine de notre rencontre, et que tu as refusé de parler d'Aïna avec Yuriko. Mais tu m'a offert ça, dans la boîte de nuit, en 2005. Tu reconnais ta propre écriture, n'est-ce pas?

    Ile me tend le portrait, avec le petit poème.
    -Oui, c'est bien la "mienne"...

    Ile me parle plus doucement à présent, comme s'ile craignait mes réactions. Enfin, celle de Silvère.

    -Je fais tout ça pour t'aider, okay? Récemment je me suis souvenu d'un détail, à propos de ce soir-là. Bon, pour l'anecdote... Tu voulais te taillader avec un cutter, dans ta baignoire. Je t'en ai empêché. Je dis pas ça pour que tu me remercies, hein? Bref, tu t'es mis à pleurer ton ex, je me suis efforcé de te consoler... Tu étais trempé, tes cheveux étaient mouillés. À un moment, j'ai remarqué que tu avais des cicatrices dans le cuir chevelu. J'ai pas rêvé, n'est-ce pas?


    J'acquiesce de la tête, faute de pouvoir produire le moindre son. La question qui se profile me fiche le frisson.

    -Dis-moi : quelle en est la cause?
    -Il... Je... Me suis battu avec mon père. Je suis tombé. J'étais dans le coma.


    Quelle épreuve. Ce souvenir, ce maudit souvenir, je le connais, mais je n'étais pas "là", lorsque ça s'est produit.


    Amour est suspendu à mes lèvres.

    -Et puis?
    J'articule avec difficulté.
    -Et puis...  Je me suis réveillé à l'hôpital. Un mois plus tard.
    -Quel hôpital?
    -Saint Thomas, dis-je dans un hoquet.

    Amour se redresse, comme soulagé. Ile reprend, encore plus doucement.
    -Tu vois où je veux en venir, n'est-ce pas?...Tu sais, je connais Rhanji depuis un bail... Et il m'a raconté tes difficultés, avec ce hacker qui a pris Aïna pour visage...Tes problèmes de sommeil aussi. Dans la boîte, tu m'avais dit que tu rêvais d'Aïna depuis des années... Et... Enfin, j'ai aucune preuve, mais tout ça pourrait être lié.


    Je repense à la lettre de Romain. J'ai la nausée. Amour plisse les yeux.

    -C'est curieux, dit-ile. Tu as le même regard que cette nuit-là, quand tu délirais dans ton bain, avec ton cutter à la main.


    Je frissonne. Est-ce qu'ile m'a reconnue?


    Pendant quelques instants, j'aimerais croire qu'ile me voit pour de vrai. J'aimerais pouvoir tout lui avouer. Lui dire que je suis là, que j'ellui remercie de m'avoir sauvé la vie à moi aussi, même si je suis tapie dans le corps d'un autre. Surtout à cause de ça. Mais qu'adviendrait-il de moi ensuite? Et de Silvère? Je me sens tellement seule. J'ai envie de pleurer.

    -Est-ce que tu sais ce qu'on t'a fait, pour te sortir du coma? insiste l'hermaphrodite.
    -Je ne sais pas. Rien de spécial. Enfin pas que je sache.

    Ile reprend l'album posé sur mes genoux, et l'ouvre à la dernière page.
    -Les parents d'André m'ont permi de faire une photocopie du contrat passé avec le neurochirurgien. Si tu as subi le même traitement qu'André, peut-être trouveras-tu également son nom dans ton dossier médical, et un contrat similaire. Tu as toutes les cartes en main, à toi de poursuivre les démarches.

    -Amour, dis-je, Pourquoi tu as fait ça pour... "moi"?

    Ile sourit d'un air blasé.
    -J'aime pas qu'on se serve des autres comme s'ils n'étaient que des objets. Ou bien peut-être que je te trouve attachant, malgré ton caractère de cochon. Ou alors, je suis juste d'une curiosité maladive.

      

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